INTERVIEW EXCLUSIVE – Luc Baghdassarian

INTERVIEW EXCLUSIVE – Luc Baghdassarian

Directeur de l’Orchestre des Collèges et Gymnases lausannois depuis 18 ans, directeur du Choeur Symphonique de Vevey et de l’Orchestre des Variations Symphoniques, Luc Baghdassarian danse avec la musique dans une recherche insatiable du « tempo giusto ». Rencontre…

A quand remontent vos premiers émois musicaux ?
J’ai aimé la musique très tôt car mes parents étaient de grands mélomanes. Ma mère jouait de l’accordéon. Quant à mon père, il aurait rêvé d’être musicien. Durant nos trajets entre Lausanne et Genève, il y avait toujours de la musique. C’est là que j’ai entendu les 9 symphonies de Beethoven. Sur la pochette d’un 33 tours que mes parents possédaient, il y avait une photo d’Herbert Von Karajan. Je l’ai montrée à mes parents en leur disant que, plus tard, je voudrais faire comme lui. Je devais avoir deux ans et demi…

Vous avez donc choisi votre voie très jeune ?
Je me suis d’abord passionné pour le piano et le violon. Puis j’ai fait des études de direction d’orchestre. Ma passion pour la voix est venue plus tard. J’allais régulièrement à l’opéra où j’étais totalement fasciné par les solistes et les choeurs. Je me suis alors attelé à la musique d’oratorio.

Quelles sont les qualités essentielles d’un chef d’orchestre ou d’un directeur de choeur ?

Il faut tout d’abord savoir s’exprimer corporellement et gestuellement. C’est un aspect technique que tout le monde peut apprendre. Longtemps j’ai été quelqu’un de très timide mais la timidité ça ne marche pas sur scène. Il a fallu que je m’ouvre et c’est alors que je me suis aperçu que tout ce qu’on peut apprendre techniquement est nécessaire mais que l’essentiel vient de la personnalité de la personne qui dirige. C’est cela qui permet de produire l’émotion, d’entrer en osmose avec les musiciens et les choristes. J’ai mis 10 ans à comprendre comment transformer en sons et en rythmes une pensée musicale. Quand cela se produit, c’est bouleversant !

Avec l’expérience, ressentez-vous encore des doutes, des peurs ?
J’ai toujours eu le trac. Mais c’est une forme de conscience de ce qui peut arriver sur scène. Je suis dopé par cette sensation. D’ailleurs, la seule fois où je n’ai pas eu le trac, j’avais été piqué par une guêpe avant le concert. Une expérience terrible ! Le trac est positif, il vous oblige à vous sublimer.

Avez-vous un répertoire de prédilection ?
Je me sens très à l’aise dans le répertoire romantique allemand. Mais j’aime voyager dans les siècles en explorant aussi des créations de compositeurs contemporains. Je cherche un équilibre entre la musique du passé et la musique actuelle. J’essaie de ne pas me spécialiser dans un répertoire ou une notion artistique. Tous les styles m’intéressent, le jazz, le folk, les musiques populaires dansantes, le flamenco, les mélodies irlandaises… Je suis aussi passionné par la danse, donc tout ce qui fait bouger le corps me subjugue.

Un compositeur favori ?
Beethoven, devant tous les autres ! C’est l’archétype de l’artiste révolté, généreux. C’est un homme qui a sublimé sa douleur dans l’art. Gamin, j’étais terrorisé par sa souffrance mais je suis aujourd’hui fasciné par le sens de la vérité auquel il est arrivé par son art. Il est parvenu à la quintessence de ce que devrait être l’art.

Appréciez-vous l’horlogerie ?
Enormément ! L’horlogerie est un art. On pourrait d’ailleurs faire un certain nombre de parallèles entre la musique et l’horlogerie. La beauté qui flatte l’oeil et l’imagination, la précision méticuleuse, presque obsessionnelle, le plaisir d’offrir et, peut-être par-dessus tout, la notion de temps et de structure. La musique, c’est aussi l’art du temps qui passe. En tant que chef d’orchestre, je fonctionne avec les pulsations internes de mon corps, je cherche à trouver le « tempo giusto ». La corrélation entre les deux univers est évidente.