RENCONTRE EXCLUSIVE <br>Derib dans sa bulle

RENCONTRE EXCLUSIVE
Derib dans sa bulle

A la Tour-de-Peilz, dans la maison de son enfance, Derib passe le plus clair de son temps dans le désordre organisé de son atelier. Cinquante-trois années de carrière dans la BD n’ont pas entamé sa créativité. Le papa de Yakari, Pythagore et Buddy Longway a encore de nombreux projets sur sa table à dessins. Portrait.

Ses personnages ont accompagné des générations d’enfants et d’amateurs de bande dessinée. Yakari, Petit Tonnerre et Grand Aigle, Pythagore, Buddy Longway ou Jo… Dans chacun de ses «enfants imaginaires » devenus pour certains des figures mythiques de la bande dessinée, Derib, alias Claude de Ribaupierre, a mis tout son coeur et tout son talent.

Derib n’a que 20 ans quand il donne naissance à Yakari. Il cultive déjà une véritable passion pour les Indiens d’Amérique. Mais, surtout, il exerce sa main au dessin déjà depuis de longues années. « Mon père était un peintre renommé, autant dire que je suis né dans un milieu où le maniement du crayon et du pinceau était quotidien, raconte Derib. J’ai commencé à dessiner à l’âge de cinq ans, à dix ans j’étais abonné aux magazines Tintin et Spirou. A 13 ans, j’ai créé mes premières planches de BD non sans avoir, au préalable et à la demande de mon père, dessiné toute l’anatomie du corps humain, dans ses moindres détails. » Dans ce climat de créativité, l’enfance de l’art, chez Derib, prend des airs de conte de fée. Nourri par l’oeuvre de son père et les dessins de Jijé – son idole – Franquin, Morris, Hergé, Uderzo ou Peyo, le futur auteur de BD construit son paysage artistique. « Je suis autodidacte, j’ai donc d’abord copié tous les autres pendant des années avant de trouver mon propre style », précise-t-il.

C’est chez Peyo, à Bruxelles, alors qu’il gagne ses premiers salaires en «schtroumpfant » les aventures des fameux petits bonshommes bleus que Derib développe en parallèle ses projets personnels. Il dessine Pythagore puis Yakari qui, sous la plume du scénariste Job, alias André Jobin, devient alors le héros sympathique d’aventures publiées mensuellement dans toute la Suisse. En 1970, c’est le début du succès pour le jeune indien et son fidèle Petit Tonnerre. Traduit dans de nombreuses langues, décliné en séries animées pour la télévision, l’engouement n’a depuis jamais été démenti puisqu’un nouvel album est prévu en 2018 ainsi qu’un projet de long métrage.

A partir de 1974, Derib donne vie à un autre visage légendaire de la BD avec Buddy Longway qu’il illustre, colorise et dont il écrit, pour la première fois le scénario. Cette mise en scène de la vie d’une famille de trappeurs dans le Midwest est aussi l’occasion pour Derib d’exprimer sa passion pour les chevaux qu’il croque avec un talent inégalé. Depuis les années 1990, il explore la veine réaliste de son art. Tant au niveau du trait que de la narration. Jo, No Limits, ou Pour toi Sandra, traitent du Sida ou de la prostitution à travers des histoires dessinées qui touchent en plein coeur. Un regard sur la réalité qui s’exprime aujourd’hui également à travers des ouvrages comme Le Galop du Silence ou Tu seras Reine, en hommage aux vaches du Val d’Hérens, une région à laquelle il reste très attaché.

Dans son atelier installé dans une partie de la maison familiale où il est né, à la Tour-de-Peilz, il prépare actuellement une BD sur la Patrouille des glaciers avec la complicité de son fils, Arnaud, pour le scénario, ainsi qu’un second projet hommage au peintre Ferdinand Hodler. Derib travaille toujours à l’ancienne, « juste avec du papier, un crayon, une gomme et beaucoup de documentation », 10 heures par jour. « Je ne pourrais pas passer une seule journée sans dessiner. C’est chez moi une seconde nature.»

Dans la famille Derib, je demande…

Dans la famille de Ribaupière, la créativité transcende les générations. Fils du peintre François de Ribaupierre, Derib a longtemps travaillé avec Dominique, son épouse, qui lui a prêté ses talents d’aquarelliste pour offrir des couleurs à Yakari. Depuis plusieurs années, elle poursuit ses propres projets qu’elle expose notamment au Carré d’as, un café-galerie de Montreux géré par Arnaud de Ribaupierre, leur fils. La famille possède également sa propre maison d’édition, AS Créations.